Posté le 7 novembre 2013
La perspective de l’application de
l’écotaxe a agi comme un révélateur après la tentative du gouvernement
de taxer l’épargne populaire. Nos concitoyens se sont dès lors dressés
non pas contre l’impôt ou la nécessité de défendre l’environnement,
mais contre l’injustice fiscale.
De plus en plus, ils observent qu’on
leur demande de faire des efforts pour réduire les déficits et la dette,
alors que plus ils paient, plus les trous se creusent dans les caisses
publiques et moins sont efficaces les services publics mis à la diète.
Il ne peut qu’en être ainsi dés lors qu’aucune grande initiative
nouvelle n’est prise contre les licenciements et pour relancer
l’activité, améliorer les rémunérations du travail et s’émanciper des
directives austéritaires européennes. Les mouvements qui se développent
en Bretagne témoignent du grand désespoir d’une partie importante de la
population qui subit depuis des années l’agonie de l’agriculture
familiale, la destruction du tissu industriel et le coma avancé des
bourgs ruraux. L’écotaxe a été la goutte d’eau qui a fait déborder le
vase.
Celle-ci découle d’ailleurs de la
directive « euro-vignette » qui elle-même s’inscrit dans la logique du
Conseil et de la Commission européenne qui enjoignent aux Etats de
réduire les impôts sur le capital et la progressivité de celui sur le
revenu, pour développer des taxes de consommation comme la TVA, celle
sur les carburants et d’autres dites « environnementales ». De surcroît,
la création de l’écotaxe par le pouvoir de droite s’accompagne de
l’expérimentation d’une orientation antirépublicaine, constituant un
scandale d’Etat : celui de la collecte d’un impôt par une société privée
étrangère « éco-mouv ». Celle-ci est en partie propriété du groupe
Benetton et du rapace en chef, la grande banque Goldman-Sachs. Il est
prévu qu’elle se livre à un grand pillage puisque plus du quart des
recettes escomptées de l’écotaxe irait directement dans ses caisses. Une
enquête publique doit être diligentée d’urgence par le Parlement ou le
gouvernement sur la nature et les objectifs réels de ce contrat afin de
le dénoncer.
Mais le fond de l’affaire est lié à un
engagement de F. Hollande qui n’est pas tenu, celui d’une réforme
progressiste globale de la fiscalité. Pire, le gouvernement actuel
s’inscrit dans le droit fil de la « contre révolution fiscale » initiée
par la droite. Il faut au plus vite en sortir et repartir sur d’autres
bases.
Aujourd’hui, les prélèvements sur les
retraites et salaires modestes sont disproportionnés comparés à ceux des
plus fortunés. Ils deviennent insupportables d’autant plus que,
candidat, François Hollande avait promis que seuls ces derniers seraient
touchés. Nous ne sommes plus aujourd’hui dans une logique où, d’une
part, l’impôt est acquitté selon les possibilités contributives de
chacun et, d’autre part où il est assis sur les facteurs de production
dans le cadre d’une plus juste répartition des richesses pour le bien
public. Les hausses des prélèvements sous forme d’impôts ou de
cotisations sociales ne servent qu’à calmer les marchés financiers.
Pire, la totalité des recettes de l’impôt sur le revenu va au paiement
des intérêts de la dette, sans évidemment la réduire d’un centime.
Il est indispensable et urgent que le
gouvernement et le parlement s’attachent à une grande réforme fiscale
dont l’objectif serait de combattre les inégalités, de pénaliser la
spéculation et la bulle financière, d’empêcher les délocalisations,
d’inciter à un nouveau type de développement humain et environnemental
durable. Telle devrait être l’une des priorités de l’heure. Une grande
majorité de la population ne supporte plus l’injustice fiscale et
sociale. Certes, ceci nécessiterait de s’émanciper des contrôles et des
diktats des institutions européennes qui mènent chacun des pays
européens à la faillite. Mais il faut avoir aujourd’hui le courage d’un
tel bras de fer et cesser de tout accepter dans les cadres feutrés du
Conseil européen. Une telle réforme devrait changer l’impôt sur le
revenu pour le rendre plus progressif, avec un élargissement du nombre
de tranches, tandis que les impôts indirects comme la TVA ou la taxe sur
les produits pétroliers, seraient abaissés en dégrevant plus les
produits de première nécessité. Un prélèvement environnemental ne peut
être satisfaisant que s’il sert effectivement aux transports publics par
rail ou par voie fluviale et maritime, en favorisant la relocalisation
des productions. Telle qu’elle est conçue, l’écotaxe pénalisera plus
les légumes produits en Bretagne que ceux débarquant de l’extérieur de
l’Europe à l’aéroport de Roissy. L’impôt sur les sociétés est également
devenu injuste, puisqu’il pénalise plus les petites entreprises, taxées
aux environs de 27% quand les sociétés multinationales n’acquittent que
8%. Il faut le rendre intelligent ainsi que celui qui a remplacé la
taxe professionnelle. Il s’agit de favoriser l’investissement humain,
matériel créateur d’emplois et de valeur ajoutée, la formation tout au
long de la vie, les rémunérations et de pénaliser, de dissuader
fortement les gâchis financiers et la spéculation financière. La
fiscalité économique et territoriale doit notamment inclure un léger
prélèvement sur les actifs financiers des sociétés, des banques et des
assurances pour alimenter un fond de péréquation pour les services
publics des communes.
La modification de la fiscalité locale,
particulièrement la taxe d’habitation aujourd’hui très injuste, doit
tenir compte de la situation économique et sociale des familles et la
taxe foncière relever d’une nouvelle évaluation cadastrale. Quant au
financement de la protection sociale, il doit inclure les énormes
revenus financiers des entreprises, qui, sous forme de dividendes et
d’intérêts, alimentent les actionnaires et les banques et échappent donc
à la réalisation du bien commun.
Enfin, des moyens matériels et humains
doivent être affectés à pourchasser la fraude et l’évasion fiscales qui
aujourd’hui atteignent des proportions colossales.
L’heure est venue de lancer un grand
débat national pour une profonde réforme des fiscalités, pour plus de
justice et d’efficacité économique, sociale et environnementale. Les
organisations syndicales, le monde associatif, les formations
politiques, les citoyens eux-mêmes y réfléchissent depuis bien
longtemps. Des propositions existent. Confrontons-les publiquement et
favorisons l’intervention du monde du travail et de la création,
indispensable pour que triomphe la justice fiscale. L’enjeu est de
taille. Se contenter d’en enfermer les termes dans un énième rapport
préalable serait perçu comme un choix de fermeture et de préservation
des intérêts de ceux qui, aujourd’hui, bénéficient du système. Prendre
la question à bras le corps avec l’ambition d’aller au bout d’un
processus démocratique de construction d’une réforme dont notre pays a
le plus grand besoin contribuerait à redonner de l’espoir à un moment où
il fait tant défaut.
Patrick Le Hyaric
http://www.patrick-le-hyaric.eu/
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