mardi 21 janvier 2014

Sénat La nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroute à l'ordre du jour

Le 22 janvier 2014, le Sénat examinera en séance publique la proposition de loi à l'initiative du groupe Communiste-Citoyen-Républicain (CRC) portant sur la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'agence de financement des infrastructures de transports.
Enfin ! serait-on tenté d'écrire. Son dépôt date du 25 octobre 2011 ! Mais examiner ne veut pas dire adopter. Néanmoins le fait que la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire en ait débattu sans toutefois qu'une majorité se prononce pour la proposition de nationalisation, dans son ensemble, permet à ce qu'elle vienne devant la haute assemblée dans les termes de sa présentation initiale en commission.
Il s'agit, pour le groupe CRC et sa rapporteure, Evelyne Didier, sénatrice communiste de Meurthe et Moselle, de revenir sur la privatisation des autoroutes de 2005 sous le gouvernement Chirac-De Villepin, qui devait, par la cession des parts de l'Etat, rapporter 14,8 milliards d'euros, théoriquement destinés à l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF).
Mais cette dernière n'a reçu que 4 milliards, le reste ayant servi à réduire la dette (déjà). Cette privatisation totale coïncide avec l'entrée en lice de Vinci, acquéreur des Autoroutes du Sud de la France (ASF), Eiffage avec un fonds d'investissement australien pour APRR et un consortium autour d'Albertis, groupe espagnol, avec la CDC, AXA, CNP Assurances...pour la SANEF.

Le manque à gagner a été estimé à 37 milliards d'euros d'ici la fin des concessions, à l'horizon 2032, chiffre que contestent les services du ministère de l'économie et des finances qui estiment difficile d'évaluer les résultats d'exploitation par anticipation.
Sauf que les résultats d'ASF ont augmenté de 15% de 2006 à 2012, ceux de la SANEF de 8%, ceux de l'APRR de 5%. La Cour des comptes dans son rapport de 2008 a estimé que l'acquisition d'ASF par Vinci en 2005 "s'est faite à un prix avantageux" et que "la politique tarifaire s'est sensiblement éloignée des règles qui la fondaient et le système se caractérise par une grande opacité pour les usagers".
Analyse confortée par le rapport 2013 de la Cour des comptes qui considère que l'Etat a rendu possibles des hausses tarifaires supplémentaires, dont la justification n'est pas toujours évidente.
Des tarifs en hausse régulière, chaque année, au-dessus de l'inflation, le réseau ASF devenu Vinci, tenant la corde.
En conséquence de quoi le groupe CRC considère que la privatisation de 2005 constitue une grave erreur et un préjudice certain pour l'Etat et les usagers. Qu'il s'agit de rentes accordées à des groupes privées que le gouvernement actuel est prêt à renforcer en envisageant d'allonger encore la durée des concessions ! Cela démontre "une porosité préoccupante entre les lobbyes autoroutiers et les gouvernements successifs..."
C'est pourquoi le groupe CRC propose la nationalisation de l'ensemble des sociétés concessionnaires avec effet un an après la promulgation de la loi.
Le vice-président socialiste de la commission a dit partager le constat mais pas la solution, la nationalisation n'est pas ce qui ressort, en effet, des options énoncées par le chef de l'Etat, c'est le moins que l'on puisse dire. Pourtant le vice-préident de la commission sénatoriale se demande comment "éviter que les contrats soient si avantageux pour les sociétés concessionnaire" ? Un exercice très difficile qui le conduit à ne pas suivre le rapport tout en le tenant pour très pertinent...sauf qu'il faut rester dans la même logique gouvernementale favorable aux grands groupes gestionnaires et aux exigences du MEDEF !!
Quant au groupe UMP, qui concède lui aussi que "la privatisation ne s'est pas faite dans les meilleures conditions", il se déclare "défavorable à la nationalisation mais souhaite une renégociation complète des contrats de concessions" , estimant qu'"il faudrait bloquer les tarifs des péages dont les montants augmentent de façon vertigineuse..." On ne le lui fait pas dire mais la duplicité consiste à laisser les concessionnaires dans la place jusqu'en 2032 et à compter sur eux pour réduire la part de leurs actionnaires.
Sur le court et le long terme c'est un positionnnement qui ne peut qu'alourdir la dette au profit de groupes privés qui affichent des résultats très positifs et une arrogance extraordinaire pour exiger encore plus de niches et de cadeaux fiscaux...payés par les contribuables. Le Chef de l'Etat leur a fait de nouvelles...concessions !
Nous avons le nombre mais pas encore la force. Sachons nous rassembler pour faire prévaloir l'intérêt public à travers des propositions comme celle-là.

René Fredon

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