Le 22 janvier 2014, le
Sénat examinera en séance publique la proposition de loi à
l'initiative du groupe Communiste-Citoyen-Républicain (CRC)
portant sur la nationalisation des sociétés concessionnaires
d'autoroutes et à l'affectation des dividendes à l'agence de
financement des infrastructures de transports.
Enfin ! serait-on
tenté d'écrire. Son dépôt date du 25 octobre 2011 ! Mais examiner
ne veut pas dire adopter. Néanmoins le fait que la commission du
développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de
l'aménagement du territoire en ait débattu sans toutefois qu'une
majorité se prononce pour la proposition de nationalisation, dans
son ensemble, permet à ce qu'elle vienne devant la haute assemblée
dans les termes de sa présentation initiale en commission.
Il s'agit, pour le
groupe CRC et sa rapporteure, Evelyne Didier, sénatrice communiste
de Meurthe et Moselle, de revenir sur la privatisation des autoroutes
de 2005 sous le gouvernement Chirac-De Villepin, qui devait, par la
cession des parts de l'Etat, rapporter 14,8 milliards d'euros,
théoriquement destinés à l'Agence de financement des
infrastructures de transports de France (AFITF).
Mais cette
dernière n'a reçu que 4 milliards, le reste ayant servi à réduire
la dette (déjà). Cette privatisation totale coïncide avec l'entrée
en lice de Vinci, acquéreur des Autoroutes du Sud de la France
(ASF), Eiffage avec un fonds d'investissement australien pour APRR et
un consortium autour d'Albertis, groupe espagnol, avec la CDC, AXA,
CNP Assurances...pour la SANEF.
Le manque à
gagner a été estimé à 37 milliards d'euros d'ici la fin des
concessions, à l'horizon 2032, chiffre que contestent les services
du ministère de l'économie et des finances qui estiment difficile
d'évaluer les résultats d'exploitation par anticipation.
Sauf que les
résultats d'ASF ont augmenté de 15% de 2006 à 2012, ceux de la
SANEF de 8%, ceux de l'APRR de 5%. La Cour des comptes dans son
rapport de 2008 a estimé que l'acquisition d'ASF par Vinci en 2005
"s'est faite à un prix avantageux" et que "la
politique tarifaire s'est sensiblement éloignée des règles qui la
fondaient et le système se caractérise par une grande opacité pour
les usagers".
Analyse confortée par le rapport 2013 de la Cour des comptes qui
considère que l'Etat a rendu possibles des hausses tarifaires
supplémentaires, dont la justification n'est pas toujours évidente.
Des tarifs en hausse régulière, chaque année, au-dessus de
l'inflation, le réseau ASF devenu Vinci, tenant la corde.
En conséquence de quoi le groupe CRC considère que la privatisation
de 2005 constitue une grave erreur et un préjudice certain pour
l'Etat et les usagers. Qu'il s'agit de rentes accordées à des
groupes privées que le gouvernement actuel est prêt à renforcer en
envisageant d'allonger encore la durée des concessions ! Cela
démontre "une porosité préoccupante entre les lobbyes
autoroutiers et les gouvernements successifs..."
C'est pourquoi le
groupe CRC propose la nationalisation de l'ensemble des sociétés
concessionnaires avec effet un an après la promulgation de la loi.
Le vice-président
socialiste de la commission a dit partager le constat mais pas la
solution, la nationalisation n'est pas ce qui ressort, en effet, des
options énoncées par le chef de l'Etat, c'est le moins que l'on
puisse dire. Pourtant le vice-préident de la commission sénatoriale
se demande comment "éviter que les contrats soient si
avantageux pour les sociétés concessionnaire" ? Un
exercice très difficile qui le conduit à ne pas suivre le rapport
tout en le tenant pour très pertinent...sauf qu'il faut rester dans
la même logique gouvernementale favorable aux grands groupes
gestionnaires et aux exigences du MEDEF !!
Quant au groupe
UMP, qui concède lui aussi que "la privatisation ne s'est
pas faite dans les meilleures conditions", il
se déclare "défavorable à la nationalisation mais
souhaite une renégociation complète des contrats de concessions"
, estimant qu'"il
faudrait bloquer les tarifs des péages dont les montants augmentent
de façon vertigineuse..." On
ne le lui fait pas dire mais la duplicité consiste à laisser les
concessionnaires dans la place jusqu'en 2032 et à compter sur eux
pour réduire la part de leurs actionnaires.
Sur le court et le long terme c'est un positionnnement qui ne peut
qu'alourdir la dette au profit de groupes privés qui affichent des
résultats très positifs et une arrogance extraordinaire pour exiger
encore plus de niches et de cadeaux fiscaux...payés par les
contribuables. Le Chef de l'Etat leur a fait de
nouvelles...concessions !
Nous avons le nombre mais pas encore la force. Sachons nous
rassembler pour faire prévaloir l'intérêt public à travers des
propositions comme celle-là.
René Fredon
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