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Voilà un livre d'une grande actualité qui n'élude aucune des questions qui alimentent des propos et des postures souvent tranchées et contradictoires à propos de Laïcité.
Un livre qui prend de la hauteur et nous ouvre des horizons,
sans prétendre le débat achevé. Le sera-t-il un jour ? La laïcité étant un
enjeu universel qui dépasse le cadre hexagonal, comme on le voit avec
l'aspiration portée par les « Printemps arabes » et les résistances
qu'elle suscite.
Pierre Dharréville nous rappelle qu'elle est « un
principe fondateur de notre République » qui prend sa source loin dans
l'histoire des hommes et des sociétés, dans leur quête du sens de la vie, de la
destinée humaine, de l'organisation sociale.
L'un des mérites, et non des moindres, de cette contribution
c'est de montrer que la laïcité est tout autre chose qu'une machine de guerre
contre les religions mais la condition du « vivre ensemble » en
garantissant à chacun la liberté de penser, d'exprimer sa pensée, de croire ou
de ne pas croire, donc de pratiquer librement son culte (si l'on est croyant)
et « permettre l'engagement de chacun dans le respect de tous ».
Elle veut être le garant qu'aucune religion ou courant de
pensée, ne saurait confisquer ou influencer le pouvoir pour imposer à tous des
principes de vie et d'organisation sociale auxquels tous n'adhèrent pas et en
tirer privilèges. L'Etat laïque, procédant de la souveraineté populaire, exerce
le pouvoir en toute indépendance d'institutions extérieures, religieuses ou
autres.
L'auteur fournit une
mine d'arguments et de références historiques montrant que la laïcité, sans
être une philosophie en elle-même, vise à instaurer une société de liberté,
accueillante et faisant place à tous, dans le respect des croyances et
convictions personnelles, avec des droits égaux (abolition de l'absolutisme royal et des privilèges,
séparation de l'église et de l'Etat, peuple souverain..), par la recherche du
dialogue, la tolérance, la fraternité.
Long cheminement, jamais achevé, parsemé de luttes, de
reculs, de remises en question, de détournement, comme on le voit en France en
ce moment où tout le monde ou presque se réclame de la laïcité (même le FN)
pour lui donner un contenu à géométrie variable.
Certains prononçant des ultimatums, des
stigmatisations...visant principalement l'Islam, d'autres faisant de l'athéisme
une nouvelle religion de substitution. D'autres encore en charge des affaires
de la cité, creusant les inégalités en prétendant les réduire, tandis que « l'enfer
des pauvres fait le paradis des riches », comme le disait Victor Hugo
et que s'en suivent des colères, des déceptions que des slogans racoleurs,
souvent racistes, s'efforcent de dévoyer.
Pierre Dharréville met l'accent sur cet aspect du
détournement vers une prétendue « guerre des civilisations » pour masquer
la bien réelle guerre économique, sociale, écologique que le capitalisme impose
aux peuples pour sauver ses privilèges en gardant la maîtrise des richesses,
accaparées par des siècles de conquêtes et de dominations militaire, financière
et idéologique. Ainsi, l'Argent est
devenu le dogme suprême, la nouvelle religion, celle qui perpétue l'aliénation
des individus, des peuples, des sociétés en même temps que l'ordre libéral.
Jusqu'à quand ? En homme de foi et de convictions
politiques (Pierre Dharréville est un responsable national et départemental du
PCF), l'auteur jette un regard lucide, ni évangélique, ni résigné sur l'état
des lieux et sur les aspirations profondes des hommes et des femmes dont il
partage les combats émancipateurs, la laïcité en est un essentiel :
construire « un monde où chacun fera chemin, pourra trouver sa place,
se découvrir plus humain qu'il ne l'aurait imaginé, fraternel, surmontant la
rivalité par la rencontre. »
Un appel à ne pas laisser détourner ni même rétrécir le combat laïque et à lui
donner « le second souffle, révolutionnaire, dont l'humanité a tant
besoin. »
Un débat qui promet d'être passionnant.
René Fredon
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