vendredi 18 octobre 2013

Tous au pied du mur de Patrick le Hyaric

Après les législatives partielles de Beauvais et celle de Villeuneuve-sur-Lot, l’élection cantonale de Brignoles est un nouveau et cinglant signal de la profondeur du rejet des politiques mises en œuvre hier et aujourd’hui. Elle est aussi la manifestation d’une sorte de désespérance qui parcourt les têtes et les cœurs. S’y ajoute ce qui est ressenti par beaucoup comme des mensonges et des trahisons des élites politiques et médiatiques qui tiennent avec insolence le haut du pave depuis plus de trente ans. L’utilisation du bulletin de vote extrême-droite et l’abstention sont deux comportements politiques qu’on ne peut assimiler. Elles ne peuvent avoir la même valeur. Mais elles aboutissent au même résultat. Ce sont des manifestations certes  différentes pour faire connaître son mécontentement, sa protestation contre les politiques qui nourrissent la mal vie et la crise, le rejet d’un système politique où les citoyens ne sont ni écoutés, ni entendus. Elles protestent contre des responsables politiques qui s’accaparent et se partagent tous les pouvoirs et sont considérés soit comme  corrompus, soit menteurs.

L’espoir a quitté de nombreuses électrices et électeurs, dès lors que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, élus contre la politique de N. Sarkozy, mettent en œuvre une large part de son programme économique et social tandis que la droite est accusée par le Medef de ne pas y avoir pensé plus tôt. L’UMP valide une grande partie des thèses dangereuses de l’extrême-droite. L’ancien premier ministre F. Fillon, pourtant réputé « gaulliste social et catholique », allant jusqu’à refuser de faire une différence entre un candidat de gauche et un autre d’extrême-droite, tandis qu’un éditorialiste du « Figaro » osait écrire que « Mme Le Pen était le leader du Front de gauche ». Et il a fallu que ce M. Copé, qui il y a quelques semaines, s’était fait détecteur de pains au chocolat, ose affirmer dans une émission de télévision, sans que personne n’y trouve rien à redire, que « le programme du Front national était la copie de celui du Parti communiste ». Quelle indigence ! Quelle bassesse ! Pourquoi M. Copé ne débat-il pas avec les communistes de la sécurité sociale, des retraites, du niveau des salaires, des services publics, du budget de l’Etat, du bilan de l’Europe libérale au lieu de tomber dans ces aberrantes facilités ? C’est donc un ensemble d’éléments donnant une ligne générale, poussant au brouillage général des repères, à la confusion des valeurs, jusqu’aux principes républicains peu à peu bafoués dans les discours et rognés dans les actes qui, conjugués avec les difficultés grandissantes de vie, alimentent le terreau sur lequel se délite la politique et la société. Il en est ainsi de la laïcité, du féminisme ou encore de la solidarité avec ces campagnes contre les plus démunis, renommés « assistés » ou encore ces abominables rotomontades simplistes contre dix-sept mille Roms, dans un pays de soixante millions d’habitants. Sans parler de  ces saillies permanentes et imbéciles contre les syndicats ou le Front de gauche, rejeté dans le camp dit des « extrêmes » par le média-business qui contribue à la banalisation du Front national, comme des enfants qui jouent avec des allumettes. Ceux qui font profession d’expliquer que le Front de gauche ne doit plus critiquer la politique droitière du gouvernement, au prétexte que ce sont des responsables se réclamant de la gauche qui la mettent en œuvre, alimentent à leur manière cette mortelle confusion et ferment toute perspective de changement progressiste, donc toute amélioration de la vie quotidienne. Et le député socialiste, Cambadélis vient de franchir un cap en ce sens, en expliquant que le paysage politique est désormais constitué d’un tripartisme UMP-PS-FN. Rien de tel pour boucher l’avenir !

Et l’Union européenne ultralibérale qui n’a cessé d’être présentée d’un commun accord par les socialistes et la droite, comme un havre de « prospérité » à venir, en est l’exact contraire. Les phénomènes politiques que nous connaissons en France s’observent dans toutes les nations européennes. Les combinaisons de gouvernements dits «techniques », mais imposées par Bruxelles et le FMI, ou des gouvernements où s’allient socialistes et droite pour mettre en oeuvre la même politique, ne peuvent que donner le sentiment à nos concitoyens qu’ils sont face à un mur, sans perspective d’avenir. Partout en Europe, quelles que soient les situations et les configurations politiques, prospèrent des extrêmes-droite jusqu’à voir certaines s’installer dans des gouvernements. Dans le cadre de la mondialisation capitaliste en crise, les oligarques veulent faire accepter la destruction de toute idée de progrès social et humain, toute idée de « commun », de « bien public » au bénéfice de la guerre de tous contre tous, camouflée derrière le savant vocable de « concurrence libre et non faussée » qui sous-tend  l’individualisme et la division permanente.

Au-delà du débat immédiat, il est donc de la responsabilité des forces progressistes de répondre avec nos concitoyens qui cherchent des issues politiques à la crise de sens qu’affrontent nos sociétés, à la crise « d’utilité » que subissent une multitude de professions, des médecins aux agriculteurs, des techniciens aux ouvriers, des enseignants aux chercheurs, des infirmières aux pompiers comme aux juges. Tous sont maltraités, fustigés par des élites qui les assimilent à des privilégiés au moment même où ils sont agressés dans l’exercice de leur métier.

C’est dans tous ces interstices de l’insécurité humaine et environnementale, de la destruction des valeurs, de l’injustice galopante avec un pouvoir se réclamant de la gauche, que prospèrent le dégoût, le désespoir, générant l’abstention et le vote d’extrême-droite. En apportant des réponses simplistes, en apparence de bon sens, à des problèmes et des difficultés qu’affrontent nos concitoyens dans leur vie quotidienne, ce parti est la voiture balai de tous les mécontentements, de toutes les peurs. Il est devenu un outil de la protestation et peut être utilisé comme une alternative possible. Et prenons bien garde ! On ne peut être tranquille en jouant sur le fait que la famille Le Pen puisse servir de faire valoir ou de repoussoir à l’occasion de l’élection présidentielle. Le moment peut survenir où l’électorat de droite traduira dans le vote extrême des valeurs et des aspirations communes, portées par une extrême-droite ripolinée, encore plus dangereuse. L’analyse des mouvements contre le mariage homosexuel en dit très long de ce point de vue !

C’est parce que prospèrent des idées simplistes, une propagande inouïe contre le monde du travail et toute idée de « bien commun », du vivre ensemble, qu’existe une menace grave contre la démocratie. C’est dire la grande responsabilité des journaux et des médias pour clarifier des débats, en impulser d’autres au service de l’intérêt général, y compris s’agissant de nous. C’est dire la responsabilité historique des forces progressistes pour la transformation sociale et écologique. Elles ne pourront pas faire face à ces responsabilités sans se transformer elles-mêmes sans faire effort de refondation pour se mettre au diapason de la profonde crise démocratique et politique actuelle, sans apporter des réponses neuves pour un renouveau social et démocratique, sans affronter les défis, les angoisses et les peurs auxquels sont confrontés nos concitoyens et nos sociétés pour inventer avec eux le renouveau citoyen. Elles sont toutes au pied du mur !
Patrick Le Hyaric
 http://patrick-le-hyaric.fr/

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