Après les législatives partielles de
Beauvais et celle de Villeuneuve-sur-Lot, l’élection cantonale de
Brignoles est un nouveau et cinglant signal de la profondeur du rejet
des politiques mises en œuvre hier et aujourd’hui. Elle est aussi la
manifestation d’une sorte de désespérance qui parcourt les têtes et les
cœurs. S’y ajoute ce qui est ressenti par beaucoup comme des mensonges
et des trahisons des élites politiques et médiatiques qui tiennent avec
insolence le haut du pave depuis plus de trente ans. L’utilisation du
bulletin de vote extrême-droite et l’abstention sont deux comportements
politiques qu’on ne peut assimiler. Elles ne peuvent avoir la même
valeur. Mais elles aboutissent au même résultat. Ce sont des
manifestations certes différentes pour faire connaître son
mécontentement, sa protestation contre les politiques qui nourrissent la
mal vie et la crise, le rejet d’un système politique où les citoyens ne
sont ni écoutés, ni entendus. Elles protestent contre des responsables
politiques qui s’accaparent et se partagent tous les pouvoirs et sont
considérés soit comme corrompus, soit menteurs.
L’espoir a quitté de nombreuses
électrices et électeurs, dès lors que ceux qui sont au pouvoir
aujourd’hui, élus contre la politique de N. Sarkozy, mettent en œuvre
une large part de son programme économique et social tandis que la
droite est accusée par le Medef de ne pas y avoir pensé plus tôt. L’UMP
valide une grande partie des thèses dangereuses de l’extrême-droite.
L’ancien premier ministre F. Fillon, pourtant réputé « gaulliste social
et catholique », allant jusqu’à refuser de faire une différence entre un
candidat de gauche et un autre d’extrême-droite, tandis qu’un
éditorialiste du « Figaro » osait écrire que « Mme Le Pen était le
leader du Front de gauche ». Et il a fallu que ce M. Copé, qui il y a
quelques semaines, s’était fait détecteur de pains au chocolat, ose
affirmer dans une émission de télévision, sans que personne n’y trouve
rien à redire, que « le programme du Front national était la copie de
celui du Parti communiste ». Quelle indigence ! Quelle bassesse !
Pourquoi M. Copé ne débat-il pas avec les communistes de la sécurité
sociale, des retraites, du niveau des salaires, des services publics, du
budget de l’Etat, du bilan de l’Europe libérale au lieu de tomber dans
ces aberrantes facilités ? C’est donc un ensemble d’éléments donnant une
ligne générale, poussant au brouillage général des repères, à la
confusion des valeurs, jusqu’aux principes républicains peu à peu
bafoués dans les discours et rognés dans les actes qui, conjugués avec
les difficultés grandissantes de vie, alimentent le terreau sur lequel
se délite la politique et la société. Il en est ainsi de la laïcité, du
féminisme ou encore de la solidarité avec ces campagnes contre les plus
démunis, renommés « assistés » ou encore ces abominables rotomontades
simplistes contre dix-sept mille Roms, dans un pays de soixante millions
d’habitants. Sans parler de ces saillies permanentes et imbéciles
contre les syndicats ou le Front de gauche, rejeté dans le camp dit des
« extrêmes » par le média-business qui contribue à la banalisation du
Front national, comme des enfants qui jouent avec des allumettes. Ceux
qui font profession d’expliquer que le Front de gauche ne doit plus
critiquer la politique droitière du gouvernement, au prétexte que ce
sont des responsables se réclamant de la gauche qui la mettent en œuvre,
alimentent à leur manière cette mortelle confusion et ferment toute
perspective de changement progressiste, donc toute amélioration de la
vie quotidienne. Et le député socialiste, Cambadélis vient de franchir
un cap en ce sens, en expliquant que le paysage politique est désormais
constitué d’un tripartisme UMP-PS-FN. Rien de tel pour boucher
l’avenir !
Et l’Union européenne ultralibérale qui
n’a cessé d’être présentée d’un commun accord par les socialistes et la
droite, comme un havre de « prospérité » à venir, en est l’exact
contraire. Les phénomènes politiques que nous connaissons en France
s’observent dans toutes les nations européennes. Les combinaisons de
gouvernements dits «techniques », mais imposées par Bruxelles et le FMI,
ou des gouvernements où s’allient socialistes et droite pour mettre en
oeuvre la même politique, ne peuvent que donner le sentiment à nos
concitoyens qu’ils sont face à un mur, sans perspective d’avenir.
Partout en Europe, quelles que soient les situations et les
configurations politiques, prospèrent des extrêmes-droite jusqu’à voir
certaines s’installer dans des gouvernements. Dans le cadre de la
mondialisation capitaliste en crise, les oligarques veulent faire
accepter la destruction de toute idée de progrès social et humain, toute
idée de « commun », de « bien public » au bénéfice de la guerre de tous
contre tous, camouflée derrière le savant vocable de « concurrence
libre et non faussée » qui sous-tend l’individualisme et la division
permanente.
Au-delà du débat immédiat, il est donc
de la responsabilité des forces progressistes de répondre avec nos
concitoyens qui cherchent des issues politiques à la crise de sens
qu’affrontent nos sociétés, à la crise « d’utilité » que subissent une
multitude de professions, des médecins aux agriculteurs, des techniciens
aux ouvriers, des enseignants aux chercheurs, des infirmières aux
pompiers comme aux juges. Tous sont maltraités, fustigés par des élites
qui les assimilent à des privilégiés au moment même où ils sont agressés
dans l’exercice de leur métier.
C’est dans tous ces interstices de
l’insécurité humaine et environnementale, de la destruction des valeurs,
de l’injustice galopante avec un pouvoir se réclamant de la gauche, que
prospèrent le dégoût, le désespoir, générant l’abstention et le vote
d’extrême-droite. En apportant des réponses simplistes, en apparence de
bon sens, à des problèmes et des difficultés qu’affrontent nos
concitoyens dans leur vie quotidienne, ce parti est la voiture balai de
tous les mécontentements, de toutes les peurs. Il est devenu un outil de
la protestation et peut être utilisé comme une alternative possible. Et
prenons bien garde ! On ne peut être tranquille en jouant sur le fait
que la famille Le Pen puisse servir de faire valoir ou de repoussoir à
l’occasion de l’élection présidentielle. Le moment peut survenir où
l’électorat de droite traduira dans le vote extrême des valeurs et des
aspirations communes, portées par une extrême-droite ripolinée, encore
plus dangereuse. L’analyse des mouvements contre le mariage homosexuel
en dit très long de ce point de vue !
C’est parce que prospèrent des idées
simplistes, une propagande inouïe contre le monde du travail et toute
idée de « bien commun », du vivre ensemble, qu’existe une menace grave
contre la démocratie. C’est dire la grande responsabilité des journaux
et des médias pour clarifier des débats, en impulser d’autres au service
de l’intérêt général, y compris s’agissant de nous. C’est dire la
responsabilité historique des forces progressistes pour la
transformation sociale et écologique. Elles ne pourront pas faire face à
ces responsabilités sans se transformer elles-mêmes sans faire effort
de refondation pour se mettre au diapason de la profonde crise
démocratique et politique actuelle, sans apporter des réponses neuves
pour un renouveau social et démocratique, sans affronter les défis, les
angoisses et les peurs auxquels sont confrontés nos concitoyens et nos
sociétés pour inventer avec eux le renouveau citoyen. Elles sont toutes
au pied du mur !
Patrick Le Hyaric
http://patrick-le-hyaric.fr/

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