Quelle pantalonnade ! Combien de marches
supplémentaires les dirigeants du pays vont encore monter sur
l’escalier de la mise en cause des valeurs humanistes et de gauche, sur
celui de la droitisation politique. Au nom de la loi, les représentants
de la République expulsent, pendant une séquence scolaire, une jeune
lycéenne de quinze ans au Kosovo au prétexte de lui permettre de
rejoindre sa famille. Puis face au tollé que cela suscite
particulièrement dans la jeunesse, le Président de la République en
personne se rétracte et lui propose de revenir mais… sans cette même
famille. Déclaration présidentielle qui bafoue allègrement la convention
internationale des droits de l’enfant qui stipule que « les Etats
parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents
contre son gré… ». C’est gribouille au pays d’Ubu qui reprend les mêmes
méthodes du pouvoir sarkozyste qui a été précisément battu aux élections
pour qu’on ne les revoient plus.
Cette affaire, surmédiatisée, a pris
d’énormes proportions et suscite de nombreux désaccords à gauche
jusqu’au sein du parti socialiste. Ces réactions sont à l’opposé de
celles de la droite et du FN qui demandent de tenir bon sur l’expulsion
de toute la famille et de durcir la législation sur l’immigration. Cette
incompréhensible séquence intervient au moment où les choix économiques
et sociaux du gouvernement provoquent un mécontentement d’un niveau
jusqu’ici jamais atteint. La nature des contre-réformes régressives
engagées, prétendument au nom de la gauche, est si lourdes de
conséquences pour l’avenir que, de toute la gauche et de l’écologie
politique, commence à monter la protestation contre les reniements.
Qu’il s’agisse de l’âge ouvrant droit au départ à la retraite qui
passerait à 66 ans, du budget 2014 d’austérité renforcée, cadré par le
traité budgétaire et les nouveaux mécanismes de contrôle installés à
Bruxelles, rien n’est de nature à améliorer le sort de nos concitoyens
en amorçant une sortie de crise, bien au contraire. Quand on ajoute la
modification de la carte territoriale dans le sens de la centralisation
et de l’ affaiblissant la démocratie locale, ce sont en définitive
toutes les singularités de notre République, construites au fil d’années
de lutte des générations qui nous ont précédés qui, une à une, sont
rayées de la carte pour laisser le champ libre à ceux qui font de
l’argent-roi leur religion.
Ceci se déroule au moment même où nos
concitoyens subissent à la fois des hausses d’impôts, alors que la
qualité de leurs services publics est abaissée et des hausses de prix,
quand leurs rémunérations sont bloquées, voir réduites. Des études
montrent que désormais nos concitoyens déclarent manquer, en moyenne,
d’au moins 540 euros chaque mois pour faire face à leurs besoins
courants. Les tentatives d’explications du pouvoir sur l’existence d’une
reprise se heurte au mur des réalités, sur lequel s’affiche chaque jour
la douleur, la détresse des milliers de celles et ceux qui subissent
des plans de licenciements ou la fermeture de leur entreprise.
Il en est de même dans d’autres pays
européens ! La propagande de ces derniers jours annonçant que l’Irlande,
la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou l’Italie seraient sur la voie de la
rémission est un gros mensonge qu’ont contredit les puissantes
manifestations au Portugal et en Italie ces derniers jours.Là-bas, comme
ici, au nom d’un prétendu « équilibre des comptes publics », ce sont
les retraites, les services publics, la protection sociale, les
salaires, qui sont violemment attaqués pour satisfaire les appétits
insatiables des marchés financiers. Ni le projet européen, ni celui de
la gauche ne peut être celui du remboursement de la dette publique dont
le monde du travail et des retraités ne sont en rien responsables.
Cette dette ne cesse d’ailleurs d’augmenter au fur et à mesure que les
dirigeants du pays prétendent la combattre. En vérité, elle sert d’écran
de fumée pour ponctionner toujours plus les travailleurs et les
retraités, alors que les firmes capitalistes se voient octroyer cadeaux
fiscaux et sociaux. Cette situation n’est pas tolérable pour une
majorité de nos concitoyens. Les parlementaires du Front de Gauche et
désormais de nombreux parlementaires socialistes le font savoir. Le
pouvoir le sait puisqu’il dispose depuis plusieurs semaines d’une
synthèse secrète des rapports de tous les préfets de France qui alertent
sur la « colère » qui grandit partout dans le pays. Cette forte
exaspération ne s’exprime pas, pour le moment, comme il serait
nécessaire dans un mouvement social pour obtenir des choix de gauche.
Mais elle se manifeste aux élections par l’abstention de l’électorat de
gauche et des votes pour l’extrême droite.
Loin de changer quoi que ce soit, une
telle situation donne des forces au grand patronat et aux instances
européennes pour imposer leurs choix austéritaires, mis en œuvre par un
pouvoir élu par le peuple gauche. Et la thèse développée par certains
selon laquelle nous irions vers un tripartisme – UMP- PS-Extrême-droite-
ne vise qu’a boucher tout projet de changement progressiste. C’est dire
la responsabilité des forces sociales et syndicales et du Front de
Gauche pour offrir une alternative de changement à gauche.
En effet, il n’y aura pas d’inversion
des droitiers choix actuels sans un mouvement populaire et social
refusant le retour d’une droite extrême et créant un nouveau rapport de
force s’exprimant dans les urnes pour une nouvelle répartition des
richesses, l’expansion des services publics pour un nouveau
développement humain, la relance d’une nouvelle politique industrielle
et agricole, l’invention de nouvelles formes de démocratie participative
et d’intervention, ainsi que la relance de projets de coopération avec
notamment les peuples du sud.
Bref, au cœur des craquements sociaux et
politiques actuels il y a urgence à provoquer un sursaut de refondation
de la gauche. C’est le sens de la démarche ouverte du Front de Gauche
au moment où des fractions de l’électorat socialiste, jusqu’à des élus
et des parlementaires, ne partagent plus les choix actuels et cherchent,
comme ceux du Front de Gauche, les moyens d’en obtenir d’autres. Seul
un ample travail idéologique et politique constructif et unitaire peut
transformer les secousses actuelles en un rassemblement populaire pour
une issue progressiste.
Patrick Le Hyaric
http://patrick-le-hyaric.fr/

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