Jeudi 19 décembre 2013
Le
besoin de politique autrement. Cette exigence ne s’exprimait-elle pas
dans les clameurs d’un certain jour de mai 2012, quand Sarkozy fut
chassé du pouvoir? Dix-neuf mois après, l’horizon paraît bouché et le
corps constitué de «la gauche» est démembré. Il avait voté pour un
virage social, il a été écartelé par les forces libérales. L’heure est
grave. Si grave que le début de la précampagne électorale (municipales
et européennes) a de quoi nous inquiéter. Les logorrhées nauséeuses
actuelles nous éloignent de l’essentiel et ne servent que l’ambiance
minable du lepénisme rampant. Où est l’échange, la confrontation, le
combat? On voudrait priver les citoyens d’un débat approfondi qu’on ne
s’y prendrait pas autrement. L’Humanité souhaite boxer dans une tout
autre catégorie, comme nous le démontrons aujourd’hui avec le
face-à-face «choc» entre Marie-George Buffet et Henri Guaino...
Nous
vivons une période tellement inédite – crise de civilisation, morale,
sociale – que nulle expérience dans le passé ne peut nous servir de
point de repère. L’année 2013 aura même été marquée par un fait
politique majeur qui perturbe toute l’histoire de la gauche française,
même si nous ne nous faisions que peu d’illusions. Jusqu’à l’élection de
François Hollande, le Parti socialiste a toujours infléchi sa doctrine
vers les canons libéraux, sans assumer pour autant les dogmes
sociaux-libéraux. Souvenons-nous que Lionel Jospin, alors premier
ministre, usait et abusait d’une formule: «Oui à l’économie de marché, non à la société de marché.» Chacun
se contentait de ce modus vivendi bien commode. Cette période s’est
achevée dans la brutalité des choix du nouvel hôte de l’Élysée, qui
théorise désormais la cohérence sociale-libérale, articulée autour de
deux idées majeures, la baisse de ce qu’ils appellent le «coût du
travail» et la baisse des déficits publics, elle-même encore théorisée
dans l’éditorial du Monde daté de ce jeudi intitulé «Le courage
et la nécessité»… Cette politique pleinement endossée par le pouvoir
socialiste conduit le peuple et la gauche dans le mur. Affirmer cette
évidence ne signifie pas être antisocialiste, mais juste lucide.
Le
refus net de cette orientation nous apparaît comme le premier
engagement d’une nouvelle construction majoritaire à gauche, autour
d’une démarche constructive de conviction. Ce qui est parfois difficile à
vivre par les temps qui courent, ce n’est pas l’absence d’idées ou de
solutions, mais bien le manque d’articulation entre les forces
politiques existantes capables de réinventer l’à-venir. Le Front de
gauche a été créé dans ce but, qui, à bien des égards, dépasse de loin
les frontières de son seul périmètre. Sa mission historique ne peut, ne
doit être déçue, alors que le gouvernement a tiré un trait sur
l’espérance de changement. Cette politique sans espoir, on le voit bien,
nourrit les esprits autoritaires et «accrédite» la parole des
démagogues. Colères, écœurements, peurs, replis nationalistes et
xénophobes: l’alliance du «tous pourris» au «il n’y a pas de
perspective» gangrène la République. Bousculer l’hégémonie du PS reste
la condition du changement. Difficile, oui, mais pas impossible. Face à
la plus formidable rage contemporaine de destruction sociale, François
Hollande nous rejoue en accéléré et en pire cette vieille musique: une
petite espérance suivie d’une immense déception. Changer le rapport de
forces est donc une obligation, les chemins citoyens qui y conduisent
sont multiples. Rien ne doit détourner de cet objectif, pas même des
crispations concernant le devenir de quelques grandes municipalités.
C’est aussi ça, la politique autrement. Et la politique autrement, c’est
aussi la gauche autrement.
JE Ducoin
http://larouetournehuma.blogspot.fr/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire